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Le terme prestidigitation1\ (de presto digiti qui signifie agilité des doigts) a été créé par Jules de Rovère2\, qui ne voulait pas indiquer sur son affiche le titre d'escamoteur. Ce mot a été rapidement utilisé pour désigner l'art du spectacle réalisant des illusions pour divertir. Aujourd'hui encore elle est parfois utilisée à des fins peu avouables, pour tromper le quidam à un jeu d'argent, pour fanatiser des membres de sectes ou pour établir son ascendant sur une personne et en tirer profit. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Prestidigitation)

Une des plus belles situations en prestidigitation advient lorsque le magicien donne les ficelles de son tour sans en dénaturer pour autant le moment magique. Ainsi de nombreux prestidigitateurs emploient un ton et une attitude franche pour ostensiblement dévoiler au public les indices et parfois même la mécanique exacte du tour. Malgré cette révélation, le tour fonctionne toujours. Mieux, dans certains spectacles de close-up ou de pickpocket, la révélation du truc à grand renfort de descriptions permet parfois la mise en place de ce que l'on peut appeler un méta-tour, un tour qui englobe la situation générale magicien/victime et sa repésentation.
Le rapport que l'art de la prestidigitation entretient avec sa technique est toujours complexe, mélange de franchise et de secret corporatiste nécessaire. Ce dernier est maintenu tacitement et entretient le doute : la magie opèrerait véritablement.

Cette louable activité en petits groupes et sur des objets locaux autorise, avec un peu de métier, des manipulations plus vastes, qui, au lieu de faire appel à la seule dextérité du corps et du langage, intègrent des dispositifs techniques plus étendus. Ainsi des machines sont inventées pour permettre la réalisation de certains tours, illusions mécaniques, perceptives, médiatiques et psychologiques.

Le 6 mai 2007, un tour très ambiteux a trouvé son dénouement.
Dans la grande tradition des prestidigitateurs américains, italiens ou allemands du XXe siècle, un petit homme à l'aspect quelconque a pu donner l'illusion d'une aura fantastique, un vol au dessus de tout soupçon.
Cette illusion faisant appel à des machines puissantes est une actualisation d'un tour bien connu, une technique de lévitation ad-hoc, la lévitation Balducci.(sur l'exemple de droite, il est clair que l'ensemble des personnages qui font face au maître sont des "barons", un public complice.)
Ici ce tour prend des dimensions remarquables en intégrant le contrôle des flux d'information, des images, une gestion quasi parfaite des différents points de vue et une logique indémontable bouclée par des sophismes et des paradoxes d'une rare cohérence.
L'escamotage de la démocratie est ainsi transformé en légitimité totale, une victoire du Bien contre le Mal.

Avant de posséder ce savoir-faire, l'entraînement du maître passe par de peu convaincants tâtonnements,
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puis finit par porter ses fruits, au point même de tromper son entourage proche:
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(L'homme au centre mesure 1m83 alors que l'homme de gauche ne mesure que 1m66, une lévitation de 17cm...)
(remarquez tout de même le manque de professionnalisme du compère de droite.)



Comme chez tout prestidigitateur professionnel, dès le tour exécuté, le goût du risque l'emmène vers de nouveaux défis.
En quelques mois, il arrive à faire croire aux Français qu'il est un grand homme, que la France est un grand pays, à la mesure des États-Unis d'Amérique, que le rêve français est un grand rêve. Un petit homme dans un petit pays.
Dans un style magnifique, les mécanismes de la manipulation sont donnés, dévoilés petit à petit. Parallèlement, des barons disséminés dans l'assistance donnent au public le sentiment de vivre un moment de grâce, défiant les lois de la Physique. La technique est parfaite, les spectateurs ont envie d'y croire, et le tour s'achève dans une grande communion spectaculaire. On assiste là à l'une des plus belles formes actuelles de prestidigitation politique, après le grand sorcier italien "Il Cavaliere" qui en 1994 remit au goût du jour cette pratique.

La technique ne connaît pas de limites.
Nous attendons avec impatience les prochains shows de ce formidable artiste de l'illusion.


1 http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2006/06/lenvers_de_la_r.html
2 "Comment on devient sorcier, une vie d'artiste, L'art de gagner à tous les jeux, Magie de physique amusante", Le prieuré par Jean-Eugène Robert-Houdin, p.146, 2006, édition Omnibus.