"Mais il est des physiologistes et des médecins qui ont caractérisé un peu différemment l'observation et l'expérience. Pour eux l'observation consiste dans la constatation de tout ce qui normal et régulier. Peut importe que l'investigateur ait provoqué lui-même, ou par les mains d'un autre, ou par un accident, l'apparition des phénomènes : dès qu'il les considère sans les troubler et dans leur état normal, c'est une observation qu'il fait...
L'expérience, au contraire, implique, d'après les même physiologistes, l'idée d'une variation ou d'un trouble intentionnellement apportés par l'investigateur dans les conditions des phénomènes naturels. Cette définition répond en effet à un groupe nombreux d'expériences que l'on pratique en physiologie et qui pourraient s'appeler expériences par destruction...
Pour cela, on supprime un organe sur le vivant par la section ou l'ablation, et l'on juge, d'après le trouble produit dans l'organisme entier ou dans une fonction spéciale, de l'usage de l'organe enlevé.
Je ferai encore une remarque qui servira de conclusion. Si en effet on caractérise l'expérience par une variation ou par un trouble apportés dans un phénomène, ce n'est qu'autant on sous-entend qu'il faut faire la comparaison de ce trouble avec l'état normal. L'expérience n'étant en effet qu'un jugement, elle exige nécessairement comparaison entre deux choses, et ce qui est intentionnel ou actif dans l'expérience, c'est réellement la comparaison que l'esprit veut faire. Or que la perturbation soit produite par accident ou autrement, l'esprit de l'expérimentateur n'en compare pas moins bien."
Claude Bernard Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, Partie 1, Chapitre 1.